« Intimes convictions est une réflexion sur la construction des rapports de pouvoir à l’œuvre dans nos sociétés, au prisme des violences sexuelles et de la culture du viol. Avec ce travail, je souhaite interroger le sens que prennent les violences lorsqu’elles se manifestent à l’endroit de nos interactions les plus privées, et les conditions qui permettent leurs existences. Par qui sont-elles perpétuées ? Sur quelles bases s’appuient-elles ? Que disent-elles de notre monde ? À travers le difficile sujet de la soumission chimique, qui consiste à administrer à l’insu de la personne une substance psychotrope à des fins criminelles, ce travail photographique, pensé comme une enquête mêlant photographie documentaire, conceptuelle, archives, et vidéos, cherche à mettre en lumière les structures invisibles qui déterminent nos sociétés. Partout, les violences sexuelles s’illustrent par le peu de condamnations auxquelles elles donnent lieu, et par la surprise récurrente que leur existence provoque. Ces violences ont la particularité d’être principalement masculines et difficilement démontrables. Cela s’explique de différentes manières. Il y a la difficulté à prouver l’événement, qui provient de la nature même des faits et de l’absence fréquente de pièces à convictions. Il s’agit de démontrer ce qui ne se voit plus, ce qui n’a pas été vu.
Dans certains cas, qui constituent le paroxysme de cette prise de pouvoir sur l’autre que constituent les violences sexuelles, il s’agit de démontrer ce dont on ne se souvient même plus, la personne concernée ayant été privée de sa conscience. Il y a aussi la tolérance dont la plupart des sociétés font preuve à l’encontre de ce type d’affaires, qui s’explique par la culture et tous les récits fictionnels (cinématographiques, littéraires, publicitaires, etc.) qui structurent nos imaginaires. Les faits réels nous échappent, restent les faits vraisemblables, et les images que l’on se fait. Ce travail pose ainsi la question de la représentation. La question du regard y est centrale. Que voit-on ? Que veut-on voir, ou ne pas voir ? Pourquoi ? Comment montrer ce qui n’est pas visible ? Prenant pour point de départ un “fait divers” contemporain incarnant un véritable fait de société, mon travail cherche à mettre en lumière la terrible banalité de la culture du viol. Il s’agit d’une réflexion visuelle sur le regard toujours subjectif que l’on porte sur le monde. Celui-là même qui forge nos intimes convictions. Et sur les possibilités de son évolution. »