« Ces derniers temps, j’ai beaucoup réfléchi aux pères. Les pères en tant que figures, les pères en tant que biologie, les pères en tant que maladie. Mes récentes obsessions ne tournent cependant pas autour de la théorie pure. Elles vont de pair avec une nouvelle étape franchie en tant qu’adulte : engager pour la première fois avec ma partenaire des conversations sérieuses sur la possibilité d’avoir des enfants. Les nôtres. La raison pour laquelle je ne peux pas séparer mon désir d’enfant des réflexions théoriques qui vont au-delà de la logistique réelle (physique ou mentale) de l’éducation des enfants, c’est la relation obsédante que j’ai entretenue toute ma vie avec mon propre père. Hantée mais endormie, sauf à trois moments majeurs de ma vie où elle s’est transformée en crise.
Le moment où j’ai quitté la maison à 18 ans, le moment où je me suis marié et le moment où j’ai commencé à penser à la paternité. Et la raison pour laquelle je ne peux pas penser à ma relation avec mon propre père sans réfléchir à l’humanité est une étude de cas de l’histoire plus large de l’homme, du patriarcat et de l’âge adulte. Pour ce projet, fouiller dans de vieilles archives familiales, y réfléchir et les confronter physiquement à mes sentiments actuels est essentiel dans mon approche, car elles sont les seules gardiennes de la mémoire d’une première tentative de connexion avec mon père, une connexion qui n’a jamais duré. J’utiliserai également des textures, des matériaux et des objets de mon enfance et les relierai à mes sentiments pour créer des parallèles entre leur évolution et l’évolution de ma relation avec mon père. Les objets et les textures de mon enfance ont toujours évoqué bien plus que leur seule nature. En fait, ils sont depuis lors synonymes de sentiments.
Pour ce projet Men vs Fathers, j’ai l’intention de passer enfin de ”l’aversion“pour certains à la tendresse pour d’autres, en intégrant leur évolution dans le projet. Par cette approche sensorielle et en mélangeant différents médias, je me réapproprie l’environnement et les souvenirs de mon enfance, tout en renouvelant mon lien avec mon propre père, et en créant un nouveau récit de la masculinité et de la paternité. »