Emeka Okereke

1980, Nigérian, né au Nigéria
Nominé·e - Prix Elysée 2017

Emeka Okereke est un photographe nigérian qui vit et travaille en Afrique et en Europe, se déplaçant entre les deux continents de façon régulière. Il a découvert la photographie en 2001 en devenant membre du prestigieux collectif de photographes nigérians Depth of Field (DOF). En 2008, il a obtenu un Master multimédia, photographie et vidéo à l’Ecole Nationale des Beaux Arts de Paris.

Actuellement, ses œuvres oscillent entre différents médiums, principalement la photographie, la vidéo, la poésie et la performance, afin d’explorer son thème de prédilection, celui des « frontières ». Son travail interroge l’échange et la coexistence aux points de confluence entre divers environnements socioculturels. Une autre caractéristique de sa pratique a trait à l’organisation de projets : il coordonne des interventions artistiques qui favorisent l’échange au-delà des plateformes locales et internationales.

Emeka Okereke est le fondateur et directeur artistique de Invisible Borders Trans-African Photography Project, un projet photographique qui rassemble une dizaine d’artistes originaires d’Afrique. Chaque année, ceux-ci entreprennent un voyage d’exploration artistique en voiture à travers différents pays d’Afrique et même jusqu’en Europe plus récemment.

En 2003, Emeka Okereke a remporté le Prix du meilleur jeune photographe du programme Afrique en créations de l’AFAA lors des 5èmes Rencontres de Bamako – Biennale Africaine de la Photographie. Ses œuvres ont été exposées dans des biennales et festivals d’art dans plusieurs villes du monde, notamment Lagos, Bamako, Le Cap, Londres, Berlin, Beyrouth, Frankfort, Nuremberg, Bruxelles, Johannesburg, New York, Washington, Barcelone, Séville, Madrid et Paris. Son travail a été exposé lors de la 56e Biennale d’art de Venise dans le cadre du projet, Invisible Borders.

Projet

As We Recede

Entre 1950 et 1970, la majorité des pays africains ont gagné leur indépendance sur les pouvoirs coloniaux. Dès lors, ils se sont employés à leur propre accomplissement et à la construction d’une conscience nationale – un tour de force rendu difficile par l’ampleur de leur diversité ethnique et culturelle. Pour le Prix Elysée, Emeka Okereke aimerait explorer l’entité socio-politique du Nigéria contemporain, au travers d’un projet multimédia, mêlant la photographie, la vidéo et le son afin de revenir sur l’histoire et les hypothèses de la guerre du Biafra au Nigéria – en donnant une nouvelle perspective sur les nuances de ce conflit aux conséquences multiples.

« Comme point de départ, je souhaite revisiter la guerre du Biafra au Nigéria, qui s’est déroulée de 1967 à 1970. Le Biafra fut un état sécessionniste dans le sud-est du pays, dont l’existence dura du 30 mai 1967 au 15 janvier 1970. Après deux ans et demi de guerre, au cours de laquelle un million de civils furent tués soit au combat, soit par la famine, les forces du Biafra acceptèrent un cessez-le-feu avec le Gouvernement militaire fédéral (FMG), et le Biafra fut réintégré au Nigeria. La signification de cette guerre est importante car elle fut le symbole d’un conflit généré et alimenté par les difficultés de négocier les termes d’échange et d’unité entre différentes tribus et populations dans une Afrique post-coloniale. Avec la réintégration du Biafra au Nigéria, les histoires de la guerre furent enterrées avec les nombreuses vies perdues, reléguées aux fins fonds de la mémoire nationale dans une sorte d’amnésie forcée. Aujourd’hui, cette guerre ne représente plus qu’une opération qui se solda par un échec au plus bas niveau de son utopie.

Bien que de nombreuses tentatives aient été faites pour raconter et articuler cet événement, elles furent pour la plupart réalisées dans une perspective politique, n’accordant presque aucun poids à la voix des gens ordinaires dont les vies avaient été bouleversées par la guerre.

Alors que les événements de la guerre sont souvent traités comme une parenthèse malheureuse de l’histoire, nombreux sont ceux qui portent encore le poids des souvenirs persistants des expériences traumatisantes. Ce projet se base donc sur l’idée que susciter le récit de ces souvenirs personnels non seulement perturbe l’histoire de la guerre telle qu’elle est racontée habituellement, mais rend possible l’émergence d’une nouvelle perspective qui donne corps aux nuances de l’événement. En tant que fabricant d’images, je commencerai d’abord par regarder les archives personnelles des survivants (un musée privé en quelque sorte) ou de leur famille, composées d’objets qui servent de traces de l’époque de la guerre. Ceux-ci peuvent se présenter sous la forme de documents, de billets de banque, de photographies, de bijoux, de vêtements ou de toute autre possession significative. Grâce à des recherches poussées, j’aimerais rencontrer autant de personnes que possible dans toutes les régions du pays. Je documenterai ces rencontres en les filmant et en réalisant des enregistrements audio des interviews et des conversations. Avant tout, je prendrai en photo ces objets que je considère comme des reliques du conflit. Ils portent en eux des bouts d’histoires que leur existence a préservés, dans chaque marque d’usage au fil du temps. L’objectif est de présenter ce travail comme une installation photographique/audiovisuelle, qui sera accompagnée par la publication d’un livre qui expliquera l’intégralité du processus de ce projet. »