Philippe Chancel

1959, Français, né à Issy-les-Moulineaux, France
Nominé·e - Prix Elysée 2015

Né en 1959 à Issy-les-Moulineaux, le photographe français Philippe Chancel vit et travaille à Paris. Initié très jeune à la photographie, il étudie les sciences économiques à l’université de Nanterre et le journalisme à Paris. Depuis plus de 20 ans, il poursuit une expérience photographique complexe entre art, documentaire et journalisme, un travail en constante évolution sur le statut des images dans le monde contemporain.

Ses débuts dans le photojournalisme sont marqués par des reportages dans les ex-pays soviétiques. Il affiche progressivement une nouvelle approche de la photographie documentaire, en particulier avec son travail sur le monde de l’art contemporain, qui fait l’objet de plusieurs ouvrages. DPRK, sa vision de la Corée du Nord, est montré pour la première fois aux Rencontres d’Arles en 2006. DPRK fait l’objet d’un livre aux éditions Thames & Hudson, ce qui lui vaut le début d’une reconnaissance internationale. Emirates Project est présenté pour la première fois à la 53e Biennale de Venise (pavillon d’Abou Dhabi), puis à l’exposition Dreamlands au Centre Pompidou en 2010. D’autres expositions suivent à travers le monde. Philippe Chancel est finaliste du Prix Pictet 2012 pour son travail Fukushima: The Irresistible Power of Nature. Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées, et il poursuit un travail de commande pour de grandes institutions culturelles en France et à l’international.

Site Internet

Projet

Datazone

Philippe Chancel voudrait explorer de nouveaux paysages et territoires – le Jourdain, Xalapa, Méroé, Tomsk, Ghardaïa. Brûlantes d’actualité ou loin de la rumeur du monde, ces zones de tension, toujours emblématiques et souvent hallucinantes, reflètent les dérives contemporaines du champ politique et social et représentent de véritables enjeux de civilisation.

Datazone in progress

« Une image n’est essentielle que si chaque centimètre carré de l’image est essentiel », Michelangelo Antonioni, dans un entretien accordé aux Cahiers du cinéma en 1960

Le projet Datazone se penche sur des territoires emblématiques disséminés sur la carte du monde qui sont le théâtre d’une actualité récurrente ou quasi inconnue des radars médiatiques. Ces zones de tension incarnent à mon sens des enjeux de civilisation majeurs. Datazone explore la complexité de ces paysages et leur donne une cohérence photographique qui n’écarte aucun genre : architecture, paysage, personnages, scènes de rue, espaces publics et privés. Ces catégories entremêlées nourrissent une vision synthétique et distanciée de situations proprement hallucinantes.

Inspiré du roman Interzone de William Burroughs et d’un principe d’écriture fragmentaire conçu comme un moyen de transgresser les frontières mentales par le cheminement labyrinthique de régions encore inexplorées, Datazone met en lumière les dérives actuelles du champ politique et social – dont les zones de tension, souvent inextricables, sont symptomatiques. A mi-chemin entre le vrai (le document) et le faux (la fiction narrative engendrée par le point de vue), ce projet voit le jour en 2005 avec un travail rendu pour la première fois possible autour de la normalité des apparences en Corée du Nord, puis avec une recherche autour de la colonisation du réel par la fiction réalisée aux Emirats Arabes Unis.

A mi-chemin entre la rigueur de la Corée du Nord et la richesse pétrolière des Emirats, Astana, la nouvelle capitale du Kazakhstan, incarne la volonté de se tourner vers le XXIe siècle en s’affirmant comme une nouvelle grande puissance à travers une architecture néo-futuriste qui reprend le faste de l’ancien empire soviétique. Les images effectuées sur place constituent des signes tangibles de cette mutation à grande vitesse, à travers l’architecture et les habitants de la capitale.

Au sud du Nigeria, aux confins du delta du Niger, tout un écosystème d’une grande biodiversité et riche d’une population vivant traditionnellement de l’agriculture et la pêche est d’ores et déjà condamné dans un environnement dévasté par la folie de l’or noir. La faute en incombe aux multinationales du pétrole qui exploitent à seulement quelques dizaines de mètres de profondeur l’un des meilleurs et des plus rentables brut du monde au mépris des règles environnementales élémentaires. Aujourd’hui, Ogoniland, autrefois un paradis pour le peuple Ogoni, s’est transformé en zone cauchemardesque. Des ruptures à répétition d’oléoducs quadrillant le delta ont entraîné des pollutions massives des eaux, des terres, de l’air, de la faune et de la flore, remettant en cause jusqu’à l’existence des hommes.

Afin de nourrir ce travail en cours, je souhaite explorer d’autres lieux, des espaces fermés à la rumeur du monde ou a contrario assénant jour après jour leurs stigmates. Quelques « datazones » sont déjà réalisées : Fukushima, Port-au-Prince, Kaboul, Marikana (Afrique du Sud). Quelques autres attendent de l’être : les bords du Jourdain (en cours), Xalapa, Méroé, Tomsk, Ghardaïa. »